La galaxie active NGC 3079

Dans UMa, on trouve NGC 3079, une galaxie intéressante, autant en imagerie qu'en spectro.

Une image qui date de 2012 depuis mon jardin sous les lampadaires boules de Toulousecong, Newton 150/750 sur monture heq5 autoguidée au chercheur, 95x90 sec avec une ccd 16hr :



(les flèches rouges montrent une autre cible intéressante toute proche, on verra ça dans un autre sujet)

J'ai pointé il y a quelques jours la galaxie avec le spectro Alpy sur un C11 et monture AZEQ6, donc un peu plus de dix ans après l'image, mais depuis le même jardin



Le jeu était de placer la fente du spectro sur le grand axe de la galaxie, pour obtenir un spectre du noyau mais aussi des bras.

Bien sur, c'était pleine Lune ou presque, pour rajouter à la pollution lumineuse de Toulouse

L'image de la caméra de guidage :



On peut vérifier le placement de la fente en superposant dans le logiciel Aladin l'image calibrée en astrométrie sur une image professionnelle, ici celle du SDSS (un T 2.5 m !) :



Le placement de la fente en RA DEC et en rotation n'est pas trop mal.

Mais en calibrant les images, je réalise que la galaxie couvre toute la longueur de la fente du spectro ! Donc pour retirer le fond de ciel pendant le traitement du spectre, il m'aurait fallu prendre un autre spectre avec le même temps de pose à côté de la galaxie. Bon, on va faire avec et retirer le fond de ciel à partir des régions les plus extrêmes de la fente, même si elles portent un peu de signal de la galaxie. La pollution lumineuse de mon site est considérable, (et c'est pleine Lune), il faut absolument l'intégrer quelque part sur la fente pour la retrancher au spectre de la galaxie pour y voir finalement quelque chose.

Le spectre traité :



Reste à analyser... la suite bientôt

La première analyse du spectre permet déjà d'obtenir la nature de la galaxie.



Les raies en émissions dans le bulbe nous disent que c'est une Seyfert, avec un trou noir supermassif actif avec un disque d'accrétion qui allume la matière environnante (raie en émission Ha, fusionnées au doublet [NII] (fusionnées, la résolution spectrale ici est trop faible pour les séparer). On reconnait aussi la raie (double fusionnée) du [SII], il y a peut être aussi la raie [OI]. Ces dernières sont des traceurs des chocs dans la matière interstellaire dus aux supernovaes; on a donc affaire à une galaxie de type "feu d'artifice" avec un fort taux de supernovae en plus d'un noyau actif !

Les différentes raies sont toutes décalées vers le rouge. C'est le classique redshift du à l'expansion de l'univers. On peut mesurer le Z avec la formule donné au dessus. Je l'ai mesuré sur le [SII] (le blend des raies Ha NII est plus incertain à mesurer comme on ne sait pas quelle raie domine celle qu'on observe sur le spectre).

Avec ce Z, on peut estimer avec la formule de Hubble la distance de la galaxie:

V = c x z = 0.0039 x 300 000 = 1160 km/s
Constante de Hubble H0=73 km/s/Mpc
D = v/H0= 16 Mpc

16 mega parsec ou 52 millions d'AL

Bien sympa a première analyse, mais il faut une bonne dose de prérequis pour en faire quelque chose. Merci pour la formule.
En tout cas le matos d'amateur de maintenant ferait pâlir les anciens, il y a de quoi faire pour tout les goûts.

C'est vrai qu'on a de la chance de vivre une période d'astro amateur ou l'on peut profiter d'un matériel très performant et abordable :=)

En deuxième analyse on va aller plus loin et faire ce qui est impossible en imagerie, voir la rotation de la galaxie !

En inspectant le spectre 2D on devine le blueshift/redshift des raies en émission de long de la fente, de part et d'autre du bulbe de la galaxie: on détecte sa rotation !
J'ai donc extrait des spectres le long de la fente tout les 5 pixels (environ 7 arcsec)



Chaque spectre est extrait entre les lignes bleues. Le fond de ciel est mesuré entre les lignes vertes et retranché colonne par colonne du spectre.
La pollution lumineuse est intense (c'est en ville, à deux pas de l'aéroport de Toulouse), mais la soustraction du ciel fonction ne bien.

Pour chacun des 15 spectres traité, j'ai mesuré la position des raies HaNII et SII, fait leur moyenne et calculé l'erreur standard. La courbe de rotation :



Ca "colle" pas trop mal avec une carte de vélocité obtenue par un radiotélescope pro
(référence https://adsabs.harvard.edu/full/2004sgyu.conf..171S )



C'est étonnant et amusant d'obtenir une courbe pas trop déconnante avec un matériel et une résolution modeste
Bon ciel,
Jean-Philippe

apricot a écrit:

...
C'est étonnant et amusant d'obtenir une courbe pas trop déconnante avec un matériel et une résolution modeste
Jean-Philippe

Il me semble que ce n'est pas tant la résolution de l'instrument mais le pouvoir séparateur de la longueur d'onde qui te permet d'effectuer ces calculs, la magie du spectre.
A quelle finesse tu arrive à découpé la longueur d'onde, au nanomètre prêt, 5 nano....?

Encore faut-il se donnée les moyens de faire ces calculs, bien que les soft ça aide beaucoup, ça reste compliqué. Il y a des beaux challenge à réaliser.

Belle démo.

Pour la finesse du spectre,
avec R = 340
la capacité du spectro à distinguer deux longueur d'onde différentes
dans le vert 500 nm /340= 1.5 nm
dans le rouge 650 nm/340= 1.9 nm

A que oui, avec une résolution < 2 nm il y a de quoi explorer le spectre finement.